La Tuilerie
Située en bordure nord de la route départementale 215, en direction de Mormant, sur l’emplacement actuel d’ “A.T.D Quart Monde”, sa construction datait de 1849, comme mentionné dans le folio n°540, de la matrice des propriétés foncières de 1835, au titre des augmentations pour l’année 1854. (1)
A l’origine, cet ensemble comprenait une maison, une halle, une moulerie, un four à chaux, un four à plâtre, un four à tuiles, un pavillon ; toutes ces réalisations achevées de construire en 1849.
Entre 1854 et 1856, il était ajouté un four à tuyaux de drainage, qui était complété avant 1864, par des fossés à tuyaux.
La démolition complète des fours à chaux et à plâtre, était constatée en 1881, alors que dans le même temps, la halle subissait une démolition partielle.
L’année 1883 voyait la démolition complète des fours à tuiles et à tuyaux de drainage, des fossés à tuyaux et de la halle.
Seuls restaient la maison et le pavillon, qui en 1881, étaient vendus à Eugène LEGRAS, cultivateur à Champeaux.
Le seul propriétaire qu’a connu cette tuilerie, était Louis Michel CHERTEMPS, cultivateur à Rouvray, commune de Mormant.
La consultation des registres d’état civil de Champeaux ne permet de révéler que peu de personnes ayant exercé la profession de tuilier. Celui qui avait très certainement dirigé cette tuilerie, au moins de 1852 à 1870, était Henry Eugène BOURDIN, clairement dit tuilier et négociant tuilier. Certains autres y ont pourtant très certainement travaillé, mais sous la profession vague de manouvrier.
Distillerie
Elle était située en sortie du village, en bordure nord de la route départementale 215, en direction de Mormant, sur l’emplacement de l’actuelle société “B.S.B”.
Avant de parler plus en détails de la distillerie de Champeaux, nous allons faire un bref historique général.
Jusqu’en 1806, grâce à ses colonies des Antilles, la France ne produisait que du sucre de canne, et nulle part ailleurs on ne savait produire le sucre différemment. Lorsque, le 16 mai 1806, l’Angleterre proclamait le blocus des ports français, le sucre disparaissait des tables françaises. C’est Benjamin DELESSERT qui le premier, aidé de Jean-Baptiste QUEYRUEL, réussissait à obtenir un sucre cristallisé et qui faisait que Napoléon décrétait, le 15 janvier 1812 : “que 100 000 hectares de terres seront ensemencés en betteraves afin de fournir aux fabricants de sucre de cette plante, la matière première nécessaire à cette activité”. PARMENTIER contribuait à la vulgarisation de la culture de la betterave. Le 5 février 1812, le Ministre de l’Agriculture donnait l’ordre de consacrer, dans le département, 1 000 hectares à la betterave. A ses débuts, le sucre de betterave était aussi appelé ” sucre indigène “.
En 1824, DUBRUNFAUT révélait l’influence de l’acide sulfurique dans le travail de la betterave en distillerie, principe de traitement qu’il mettait en application, industriellement, dès 1852. En 1834, Mathieu DOMBASLE mettait au point le procédé d’extraction du jus sucré de la betterave, par macération. Cependant beaucoup s’accordent pour dire que le véritable créateur de la distillerie de betterave est CHAMPONNOIS dont les brevets remontaient en 1852, 1853 et 1854, année où ceux-ci trouvaient leur première réalisation pratique à Troyes, avec la macération à la vinasse et la fermentation continue par coupage. Le succès de cette première unité, valait à ce jeune ingénieur, dans l’année qui suivait, la commande de 36 distilleries d’une capacité journalière de 6 à 8 tonnes. Entre 1854 et 1861, le nombre des distilleries passait de 37 à 342, sur l’ensemble du territoire national, avec un tonnage unitaire journalier qui évoluait lui aussi pour atteindre les 17 à 18 tonnes. Généralement, les distilleries de cette époque, comprenaient un laveur à betteraves, un coupe-racines, une série de cuviers de macération, la fermentation, quelques pompes, une colonne à distiller, un moteur à vapeur et la chaufferie.
A partir de 1900, il se construisait aussi des distilleries industrielles et les premières distilleries coopératives. La baisse du prix du sucre ne permettant plus de produire de la betterave de façon rentable, influait sur la répartition des usines, faisant que les distilleries industrielles produisaient une fraction du volume d’alcool de betteraves, en augmentation continue. La législation sucrière, modifiée en 1902 après les accords de Bruxelles, favorisait la création des distilleries qui étaient au nombre de 325 en 1914. Parallèlement au développement de la production de betteraves, les rendements de transformation s’amélioraient à la suite des travaux de sélection et de l’évolution de la technique de fabrication. De 1871 à 1880, il fallait travailler 2 500 kg de betteraves pour produire 1 hectolitre d’alcool qui n’était plus fabriqué, en 1954, qu’avec 1 050 kg de betteraves.
Entre 1865 et 1919, la production nationale d’alcool évoluait de la manière suivante :
Année | Alcool de betteraves (hl) | Production totale d’alcool (hl) |
---|---|---|
1865 | 300 000 | 1 344 000 |
1881 | 556 000 | 1 879 000 |
1900 | 852 000 | 2 379 000 |
1913 | 1 560 000 | 3 300 000 |
1918 | 283 140 | |
1919 | 325 000 |
L’occupation de certains départements et la destruction de 111 distilleries sont deux des explications de la baisse de la production constatée en 1918-1919. La troisième cause étant la loi du 30 juin 1916, dite du Régime des Alcools, qui établissait un monopole, réservant à l’état les alcools dits ” industriels ” dont le prix d’achat était fixé de manière à assurer une égalité de régime entre distillateurs et sucriers. Ces alcools étaient destinés à fournir à la Défense Nationale (Direction des Poudres), une matière indispensable pour le séchage des poudres. La guerre terminée, ce système était abandonné et le prix, fixé par décret, faisait que les premiers ne pouvaient plus acheter la betterave au même prix que les seconds. La loi du 1er août 1924 rétablissait cet équilibre.
Le décret-loi du 30 juillet 1935 installait le Régime économique des Alcools dont le principe était de réserver à l’Etat, représenté par la Régie Commerciale des Alcools, la production de tous les alcools éthyliques autres que les eaux-de-vie et certains genièvres.
Année | Alcool de betteraves (hl) |
---|---|
1939 | 2 480 000 |
1952 | 3 801 000 |
1954 | 2 150 000 |
Le décret du 9 août 1953 qui avait pour but de réglementer les marchés de la betterave, du sucre et de l’alcool, dans le cadre du Régime économique des Alcools, et d’organiser un plan sucrier, en fait stoppait définitivement le mouvement d’expansion de la betterave. Ce texte abandonnait la parité sucre – alcool pour ce qui concernait les modalités de fixation des prix. Celui de l’alcool de betteraves était fixé unilatéralement sans tenir compte des charges réelles de la distillerie.
Le décret du 30 septembre 1954 rendait possible le transfert de tout ou partie des betteraves alcool sur le sucre, si les stocks de la Régie Commerciale des Alcools étaient supérieurs aux besoins, ce qui déséquilibrait le marché du sucre. La quantité d’alcool de betteraves, à fabriquer en 1954-1955, était limitée à 715 000 hectolitres contre les 2 150 000 hectolitres initialement prévus et fixait par voie d’autorité le prix d’achat de l’hectolitre à une valeur qui faisait chuter la marge de fabrication de 32 % pour les alcools rectifiés et de 38,5 % pour les flegmes mauvais goût. Le décret du 13 novembre 1954 complétait, en l’aggravant, le texte précédent, en fixant, pour les campagnes 1955 et 1956, des marges de fabrication de nouveau en baisse de 5 et 7 %. En outre, ce texte prévoyait une indemnité pour les distilleries ayant pris la décision de fermeture définitive avant le 15 février 1955. A cette date, 98 usines, sur les 235 existantes à cette époque, avaient décidé de disparaître, dont celle de Champeaux. Leurs répartitions et productions s’établissaient de la manière suivante :
Nature des usines | Avant le 15/02/1955 | Après le 15/02/1955 | |
---|---|---|---|
Nombre | Nombre | Droit total de production (hl) | |
Distilleries agricoles | 78 | 28 | 78 969 |
Distilleries coopératives | 36 | 31 | 464 388 |
Distilleries industrielles | 59 | 21 | 358 846 |
Sucreries-distilleries | 62 | 57 | 370 065 |
Total | 235 | 137 | 1 272 268 |
A cette époque, la Seine-et-Marne était le 2ème département producteur d’alcool de betteraves (9 700 hectolitres), derrière le Nord (13 600 hectolitres) et devant l’Aisne (7 500 hectolitres). Cette situation n’était acquise qu’après la seconde guerre mondiale.
Nature des usines | 1939 | 1952 |
---|---|---|
Distilleries agricoles | 38 | 30 |
Distilleries coopératives | 6 | 7 |
Distilleries industrielles | 5 | 7 |
Sucreries-distilleries | 8 | 7 |
total | 57 | 51 |
Sucreries | 4 | 3 |
En Seine-et-Marne, c’est à Rouvray et Chevry-Cossigny qu’apparaissaient, en 1856, les premières distilleries, annexées aux fermes, dites distilleries agricoles. Elles se retrouvaient très rapidement plus de 55 sur l’ensemble du département. En 1914 on en comptait 50, en 1921 elles étaient 49, en 1930 il y en avait 44. C’est à partir de 1930, la surproduction en sucre aidant, qu’apparaissaient les premières distilleries coopératives. La situation, en 1939 et 1952, était celle présentée ci-dessus.
De 1812 à 1862, la superficie en betteraves, du département, passait de 500 à 5 700 hectares. En 1892, elle avait pratiquement triplée, pour atteindre les 16 300 hectares. La progression était ensuite plus lente, pour atteindre les 39 900 hectares cultivés en 1952. Ce chiffre ne représentait pas tout à fait le 1/10ème de la superficie nationale cultivée en betteraves.
François DURIOT, instituteur à Champeaux, mentionnait, dans sa monographie communale établie en 1889, que 120 hectares étaient affectés à la culture de la betterave vendue à la distillerie ou expédiée à la sucrerie de Guignes. L’analyse des statistiques agricoles de Champeaux, de 1900 à 1938, compilées dans le tableau ci-dessous, permet d’évaluer plus en détail, l’étendue consacrée annuellement à la culture de la betterave dans notre commune.
Années | Superficies cultivées en betteraves (ha) | Années | Superficies cultivées en betteraves (ha) | ||
à sucre | de distillerie | à sucre | de distillerie | ||
1900 | 100 | ? | 1920 | 135 | 55 |
1901 | 90 | ? | 1921 | 166 | 15 |
1902 | 80 | 10 | 1922 | 116 | 30 |
1903 | 70 | 20 | 1923 | 114 | 31 |
1904 | 140 | 40 | 1924 | 155 | 12 |
1905 | 110 | 35 | 1925 | 148 | 26 |
1906 | 100 | 45 | 1926 | 143 | 5 |
1907 | 120 | 45 | 1927 | 146 | 5 |
1908 | 130 | 40 | 1928 | 185 | 20 |
1909 | 120 | 45 | 1929 | 193 | 6 |
1910 | 125 | 50 | 1930 | 162 | 32 |
1911 | 100 | 65 | 1931 | 144 | 41 |
1912 | 105 | 60 | 1932 | 129 | 65 |
1913 | 100 | 65 | 1933 | 196 | 20 |
1914 | 110 | 55 | 1934 | 202 | |
1915 | 100 | 65 | 1935 | 188 | |
1916 | 95 | 70 | 1936 | 189 | |
1917 | 52 | 56 | 1937 | 185 | |
1918 | 55 | 53 | 1938 | 175 | |
1919 | 120 | 30 |
Début 1868, le fondateur et propriétaire de la distillerie de Champeaux était Jean Baptiste DEVARENNE. L’installation de cette usine n’était pas du tout appréciée par le Conseil municipal d’Andrezel qui avait adressé, en avril de la même année, une pétition mentionnant qu’il existait aussi une distillerie sur le territoire de cette commune, à la ferme de Mainpincien.
Conformément au décret impérial du 25 janvier 1865, par un courrier du 8 novembre 1868, adressé au Préfet de Seine-et-Marne, Jean Baptiste DEVARENNE et Louis Joseph Ernest MINGUET ingénieur civil informaient que pour mettre en mouvement cette distillerie de betteraves, ils allaient faire installer 2 générateurs dits inexplosibles du système Belleville, fournis bien naturellement par MM J. BELLEVILLE et Cie, constructeurs demeurant à St Denis (Seine). Ces appareils avaient, chacun, une surface de chauffe de 27 m2, pour une pression effective maximum de 7,5 kg/cm2. Leur puissance nominale était de 20 chevaux.
En 1873, Auguste RIVIERE qui demeurait à Pecqueux, en était le propriétaire.
Lui succédait, en 1889, Louis André BASSET qui habitait lui aussi à Pecqueux. En 1890 et 1901, le contremaître était Philippe VINCENT, né en 1842 dans la Nièvre, qui devenait ensuite directeur de 1902 jusqu’à fin 1912. Adolphe Joseph RINGOT âgé de 61 ans, natif d’Avelin (59) et venant de Pecqueux, l’avait précédé très brièvement à la direction de l’usine, du 1er mars 1897 jusqu’à son décès le 17 juillet de la même année.
En 1920, cette distillerie devenait la propriété de MM LESAFFRE Frères, également propriétaires de la sucrerie de Nangis, toujours en fonctionnement de nos jours. Le siège social de cette société était à Quesnoy-sur-Deule, dans le Nord. Cependant, lors de la prise de possession, ceux-ci n’avaient pas rempli les conditions exigées par l’article 24 de la loi du 19 décembre 1917, et ce n’était qu’en mai 1930 qu’ils faisaient une demande régulière d’autorisation, pour une distillerie agricole. L’autorisation leur était accordée pour une distillerie industrielle rangée dans la deuxième classe des établissements classés, puisque la production journalière était supérieure à 500 litres d’alcool. Côté personnel, Pierre Adrien HERVE âgé de 54 ans, natif d’Antogny en Indre-et-Loire, en était le directeur de 1914 à 1922. Son successeur, jusqu’à fin 1930, était un Sommois, né en juin 1879 à Beaucourt-sur-l’Ancre, nommé Philippe Théodore MAISON qui laissait la place, dès le début de 1931, à René LAMANT, né en 1889 à Saint-Erme dans l’Aisne, qui assurait cette fonction jusqu’à la fermeture en 1955.
Avant l’installation d’une voie ferrée dont nous diront quelques mots plus loin, les betteraves après avoir été pesées sur les bascules en plaine, étaient en général chargées dans de gros chariots bien souvent tirés par des bœufs qui les amenaient au nord de l’usine. Elles y étaient déversées dans la cour et poussées dans des rigoles de transport, pour être acheminées dans l’atelier de lavage, avant d’être coupées, dans un coupe-racine, en fines lamelles appelées cossettes qui étaient ensuite envoyées à l’atelier de diffusion qui produisait le jus de betteraves et la pulpe. Des cossettes pressées par le chimiste ou son aide, permettaient de connaître la densité en sucre du jus de betterave, afin de calculer ensuite la rémunération à verser aux agriculteurs, ainsi qu’éventuellement les primes de secouage et de densité à distribuer aux ouvriers. La pulpe, stockée journellement dans un fossé à pulpe lui aussi situé au nord de l’usine, était évacuée au fur et à mesure par les agriculteurs. Le jus était ensuite distillé pour donner les flegmes qui, une fois rectifiés, donnaient l’alcool, et les vinasses. Suivant les statistiques agricoles communales, le stock minimum de flegmes à 8 degrés était constant à 50 hectolitres de 1900 à 1917, à part pour 1912, où il était mentionné seulement 5 hectolitres.
Le traitement des betteraves, en sucrerie comme en distillerie, réclame d’importants volumes d’eau, ce qui n’était pas toujours sans créer quelques problèmes, comme en octobre 1945, où le lavoir communal, alimenté par la source de Varvannes, manquait d’eau du fait que la distillerie s’alimentait dans un puits lui appartenant, mais situé plus profond que la source alimentant ledit lavoir, en provoquant ainsi l’épuisement. Pour remédier au problème, M.LAMANT, directeur de la distillerie, promettait de remplir le lavoir chaque matin. En novembre 1949, ce dernier transmettait une demande de MM LESAFFRE, afin que l’usine soit alimentée par la commune, en proposant l’installation, à leurs frais, d’une seconde pompe au château d’eau communal, d’un compteur et d’une canalisation reliant le réservoir du château d’eau à la distillerie, avec un départ de la tuyauterie devant se situer à un niveau permettant de toujours laisser une réserve communale.
Il fallait aussi traiter 2 types de rejets, à savoir les eaux résiduaires provenant du lavage des betteraves, et les vinasses. Les premières étaient envoyées au moyen d’un fossé à des bassins de décantation situés au sud-est de l’ancien moulin de Varvannes et du lavoir communal. A l’origine, ces bassins étaient des étangs que le chanoine et prêtre Jean L’AUMONIER avait fait creuser en 1458. Les secondes, après décantation dans un bassin d’environ 7 à 8 m2, étaient acheminées au moyen d’une canalisation, à un puits absorbant situé au nord des bassins précités. Ce dernier dont le diamètre peut être évalué à environ 3 m, aurait été creusé aux environ de 1890, pour déjà remplir cette fonction. Le traitement des vinasses était le point “sensible”. En effet, ce puits se colmatait au moins à 2 reprises, en 1930 et 1937, entraînant l’intervention du service d’inspection des établissements classés et l’arrêt momentané de l’usine. Le Conseil Départemental d’Hygiène qui, bien que n’étant pas favorable à l’utilisation d’un puits absorbant en raison des risques de pollution par infiltration des nappes souterraines, proposait au Préfet d’accueillir favorablement la demande d’autorisation évoquée avant, tout en imposant quelques prescriptions et travaux.
En 1937, la distillerie LESAFFRE Frères n’était pas la seule, dans la région, à avoir quelques difficultés avec ses rejets, puisque la distillerie agricole de Rouvray, exploitée par M.DE WULF, avaient ses eaux résiduaires qui, tout comme lors de la campagne 1932-1933 suite à une rupture des digues de bassins de décantation, se répandaient dans la plaine et le ru de Bressoy qui se jette dans le ru de la Prée, lui-même rejoignant le ru d’Ancoeur. Il en était de même pour la distillerie coopérative de Mormant implantée à Ozouer-le-Repos.
Champeaux qui avait commencé son électrification en 1925, décidait par une délibération du Conseil municipal du 29 septembre 1928, l’extension de son réseau basse tension jusqu’à la distillerie. Pour ce faire, MM LESAFFRE Frères s’engageaient à payer 10 000 francs sur les 15 000 francs demandés par le ” Sud-Lumière”.
Le 12 mars 1931, M.LESAFFRE obtenait du Conseil municipal, l’autorisation de construire un chemin de fer à voie étroite de 60 cm, dite “Decauville”, pour le transport des betteraves, sur le bas-côté ouest du chemin de Pecqueux. Le tracé de cette voie était communiqué fin avril au Conseil municipal qui l’acceptait contre une redevance annuelle de 200 francs, et à condition que les exploitants soient seuls responsables des éventuels accidents, incidents et conflits avec les riverains. Le 20 janvier 1932, était autorisé un embranchement de cette voie étroite pour le charroi des betteraves sur l’accotement du chemin des Sainfoins, aux mêmes conditions que celles de la ligne principale. Le 27 juillet 1941, le Conseil municipal décidait de prolonger, pour 10 ans, la permission d’exploiter cette voie “Decauville”. Le 5 février 1951, M.LAMANT, directeur de cette distillerie et également Maire de Champeaux, engageait la société LESAFFRE à verser à la Commune de Champeaux, une redevance annuelle de 4 000 francs, en raison de l’occupation temporaire du domaine public, par cette voie ferrée dont la longueur, sur le territoire de la commune, était de 3 300 mètres. Le réseau comportait un embranchement obliquant à l’ouest, tout de suite après la sortie de l’usine, et passant derrière la ferme de Malvoisine, avant de remonter au nord, pendant encore quelques centaines de mètres. Cette ligne d’environ 6000 mètres, reliait l’usine, via la bordure est du territoire d’Andrezel, à une bascule de plaine établie sur l’accotement de la route nationale 19 qu’elle longeait jusqu’à l’entrée du chemin de la ferme de Courcelles. A la bascule, il existait un réservoir alimenté par les eaux de pluie recueillies sur le toit d’un hangar. Deux locomotives Decauville achetées d’occasion, une 020T et une 021T, ainsi qu’un locotracteur à alcool, en assuraient la traction. Les wagonnets étaient très certainement basculants, et d’une capacité de 200 litres. Pour la petite histoire, il est même rapporté que parfois, des ouvriers agricoles polonais demandaient, au mécanicien de ce locotracteur, un peu de son carburant… pour le boire !
Concernant le chemin de fer “Decauville”, rappelons qu’à l’origine en 1876, il avait justement été imaginé pour sortir les betteraves des champs, par Paul DECAUVILLE âgé de 30 ans et qui était alors agriculteur. Cette invention avait un succès considérable à l’exposition universelle de 1878 et valait à son inventeur une Médaille d’or et la croix de la Légion d’Honneur. La même année, il était reçu membre de la Société des Ingénieurs Civils de France et l’année suivante, membre de la Société Mechanicol Engineers de Londres. Le développement de l’usine qu’il avait créé à Petit-Bourg, près de Corbeil, était tel qu’il devait abandonner l’agriculture pour ne s’occuper que de sa direction. En 1889, elle employait près de 1000 ouvriers.
En mai 1955, par suite des décrets, que nous avons évoqués précédemment, pris concernant la fabrication de l’alcool, René LAMANT, Maire de Champeaux et toujours directeur de la distillerie, rendait compte de la fermeture de cette dernière qui ne fonctionnait déjà plus en décembre 1954. Cette fermeture avait pour fâcheuse conséquence de mettre à charge de la commune seule, l’amortissement des fournitures et travaux exécutés à la station de pompage du château d’eau, soit la somme de 144 000 francs (&).
Dans le secteur proche de Champeaux, seules restaient en activité la distillerie agricole d’Aubepierre (Sté BATAILLE André et fils) produisant journellement l70 hectolitres, les distilleries coopératives d’Ozouer-le-Repos (Sté Coopérative Agricole de Distillerie de la région de Mormant) traitant 250 tonnes-jour et de Vaux-le-Pénil (Distillerie Coopérative Agricole de la région de Melun) produisant 180 à 200 hectolitres-jour. Légèrement plus loin, subsistait aussi la sucrerie-distillerie de Lieusaint sortant 250 hectolitres-jour, dont une partie pouvait être faite à partir de mélasse.
Comme toutes les autres distilleries, celle de Champeaux avait employé, sur la période 1908-1935, bon nombre de travailleurs étrangers qui faisaient en général plusieurs campagnes. Ceux-ci appartenaient aux nationalités suivantes qui se répartissaient ainsi :
Nationalités | Nombre | Nationalités | Nombre |
---|---|---|---|
Belges | 92 | Russes | 2 |
Italiens | 4 | Suisses | 1 |
Polonais | 11 | Yougoslave | 2 |
Portugais | 2 |
En 1929, parmi ceux-ci figurait un couple de jeunes russes Eugène KOSTJUK et Hélène KECHER, tous deux âgés de 30 ans, et qui y travaillaient en tant que chimistes. Il faut noter la francisation de leurs prénoms.
Quelques descendants de certains de ces couples de travailleurs étrangers, sont d’ailleurs toujours présents parmi nous.
Par un arrêté préfectoral du 4 février 1961, la Compagnie des Entrepôts et Magasins Généraux de Paris (62, rue du Louvre ; 2ème arrondt) obtenait l’autorisation d’ouvrir un magasin général destiné au stockage des sucres, dans un bâtiment de l’ancienne distillerie, d’une superficie de 322 m2, dépendant de la sucrerie de Nangis.
Le site, après avoir été, au moins depuis 1976, la propriété de Madame Esther BROCKMAN, était racheté début 1981, par la société “B.S.B”. Les bureaux de cette dernière sont installés dans ce qui était la maison du directeur de la distillerie figurant sur le plan de 1930.
(&) : environ 17 500 francs de 2004.
Sources :
- “1854-1955, l’évolution de la distillerie de betteraves de son origine à nos jours”, par Maurice MARTRAIRE (Secrétaire général de l’I.F.A), paru dans ” Alcool et dérivés ” n° 46-47 (juillet-août 1955) (A.D.77 : Az 7086).
- “La Betterave Industrielle et les distilleries d’alcool en Seine-et-Marne”, par André BATAILLE (Sénateur de Seine-et-Marne, Président du Syndicat de la Distillerie Agricole), paru dans ” L’Opinion Economique et Financière ” n° 15 (décembre 1953) (A.D.77 : 4p 312).
- “Dictionnaire biographique de Seine et Oise”, de 1893, par Henri JOUVE (A.D.91).
- Champeaux ; recensements de population de 1906, 1911, 1921, 1926, 1931, 1936 et 1946, conservés en mairie.
- Champeaux ; listes électorales de 1919 à 1945, conservées en mairie.
- Champeaux ; registres d’immatriculation des travailleurs étrangers (1908-1935), conservés en mairie.
- Champeaux ; installations classées, autorisations d’implantation et d’exploitation (A.D.77 : 5 MP 63).
- Champeaux ; cadastre révisé pour 1937, section A, dite de la Prée (1ère feuille) (A.D.77 : 2566 W 770).
- Champeaux ; cadastre révisé pour 1937, section B, dite du Murger (1ère feuille) (A.D.77 : 2566 W 772).
- Champeaux ; cadastre révisé pour 1937, section C, dite du Village (3ème feuille) (A.D.77 : 2566 W 777).
- Champeaux ; statistiques agricoles, animales et industrielles (1900-1938), conservées en mairie.
- Monographie de Champeaux, par François DURIOT (1889) (A.D.77 : 2 Mi 182).
- “Mormant et ses environs à la Belle Epoque”, par René-Charles PLANCKE (1994) aux Editions AMATTEIS.
- “Hier en Brie, travaux et réjouissances”, par Paul BAILLY (1987), paru dans ” Notre Département n° 3 (octobre-novembre 1988) aux Editions AMATTEIS.
- “Histoire du Chemin de Fer de Seine-et-Marne ; tacots, tramways et tortillards” (Tome II), par René-Charles PLANCKE (1991) aux Editions AMATTEIS.
- Comptes-rendus de réunions du Conseil municipal de Champeaux.